Le néolibéralisme : analyse et perspectives

Mis à jour le 4 décembre 2023

Télécharger l'article en PDF

Déconstruction du Néolibéralisme et Exploration de son Impact Global

Le terme « néolibéralisme » est devenu un mot-clé dans les débats économiques et politiques contemporains. Souvent employé, il suscite cependant des interprétations erronées et des amalgames. Une idée fausse courante est de qualifier de néolibérales toutes les économies de marché où l’État joue un rôle de régulateur, ignorant ainsi la complexité et la diversité des politiques économiques réelles. Le néolibéralisme, dans son essence, prône une réduction significative de l’intervention étatique, favorisant la liberté de marché. Cependant, dans de nombreux systèmes dits « néolibéraux », on observe en réalité une présence étatique substantielle, notamment dans la régulation et le soutien des marchés.

Cette dichotomie soulève une question fondamentale : comment les théories économiques influencent-elles les politiques réelles, et quelles sont les conséquences de ces influences ? En particulier, comment les idées de Friedrich Hayek, de l’école de Chicago et de Milton Friedman, souvent associées au néolibéralisme, ont-elles été appliquées et quelles ont été leurs implications dans différents contextes politiques et économiques ?

L’objectif de cet article est d’explorer ces questions en examinant l’impact de ces théories économiques, non seulement dans leur application dans les démocraties occidentales mais aussi dans les dictatures sud-américaines. Nous chercherons à comprendre comment ces idées, nées dans un contexte académique, ont été traduites en politiques concrètes, et quelles leçons peuvent être tirées de leurs applications variées et des réactions qu’elles ont suscitées.

La Naissance des Théories Néolibérales et Leurs Rôles en Amérique du Sud et en Occident

Le Duo Hayek-Friedman et l’École de Chicago

Friedrich Hayek et Milton Friedman, bien qu’ayant des parcours distincts, ont joué un rôle crucial dans le développement et la propagation des idées de l’école de Chicago. Hayek, avec ses théories sur la liberté individuelle et le marché libre, a posé les bases philosophiques, tandis que Friedman, en tant qu’économiste principal de l’école de Chicago, a concrétisé ces idées dans des politiques économiques spécifiques. Leur influence a transformé l’école de Chicago en un bastion du libéralisme économique, promouvant des politiques de marché libre, de déréglementation, et de monétarisme.

Les Dictatures Sud-Américaines comme Laboratoires

En Amérique du Sud, les régimes dictatoriaux, notamment au Chili, ont servi de laboratoires pour les théories de l’école de Chicago. Sous Pinochet, des économistes formés à cette école, surnommés les « Chicago Boys », ont mis en œuvre des politiques de libéralisation économique radicale. Ces expériences ont abouti à des transformations économiques majeures, mais elles ont aussi été marquées par des inégalités croissantes, des atteintes aux droits humains et des répressions politiques. Ces événements soulignent la complexité et les conséquences potentiellement dangereuses de l’application rigide des principes néolibéraux dans des contextes politiques autoritaires.

Exemple pour l’Occident

Les réformes sud-américaines ont attiré l’attention des décideurs politiques et des économistes en Occident. Dans les années 1980, les gouvernements de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni se sont inspirés de ces « expériences », adoptant des politiques similaires de déréglementation, de privatisation et de réduction de la taille du gouvernement. Ces politiques, bien que controversées, ont été louées pour avoir stimulé l’innovation et la croissance économique. Cependant, comme en Amérique du Sud, elles ont également contribué à une augmentation des inégalités et à une réduction de la protection sociale, démontrant ainsi les limites et les risques de l’application inconditionnelle des principes du marché libre.

Le néolibéralisme : un des agents de la remise en cause des démocraties ?

L’application de théories néolibérales dans des contextes variés en Europe et aux États-Unis a eu des répercussions significatives, souvent menant à des révoltes sociales, alimentant le populisme et la démagogie, et mettant en péril les démocraties existantes.

En France, le mouvement des Gilets Jaunes, qui a débuté en 2018, est un exemple frappant de la réponse populaire aux politiques économiques perçues comme favorisant les élites. Ce mouvement a émergé en réaction à des mesures telles que la hausse des taxes sur le carburant et les réformes fiscales, considérées comme des manifestations d’une approche économique néolibérale.

L’ampleur des manifestations a souligné un malaise profond dans la société française, où beaucoup se sentaient négligés par les politiques gouvernementales favorisant les plus aisés.

En Italie et en Grèce, les effets prolongés de l’austérité et des réformes économiques néolibérales ont conduit à une montée du populisme. Des partis comme le Mouvement 5 Étoiles en Italie et Syriza en Grèce ont gagné en popularité en capitalisant sur le mécontentement public à l’égard des mesures d’austérité imposées par l’Union européenne et les institutions financières internationales.

Ces partis ont promis de renverser les politiques d’austérité et de restaurer la souveraineté économique, attirant les électeurs frustrés par les effets perçus de la mondialisation et du néolibéralisme.

Aux États-Unis, l’élection de Donald Trump en 2016 peut être vue comme une réaction aux politiques économiques qui ont laissé de nombreuses communautés se sentir délaissées. Trump a exploité avec succès les frustrations des électeurs dans les régions industrielles en déclin, où les effets de la mondialisation et du libre-échange ont été particulièrement douloureux.

Son discours centré sur le nationalisme économique, la critique du libre-échange, et la promesse de ramener les emplois aux États-Unis a résonné auprès de nombreux Américains qui se sentaient oubliés par les élites politiques et économiques.

Le Mouvement Occupy Wall Street, qui a commencé en 2011, est un autre exemple de la réaction contre les inégalités croissantes et la perception d’une collusion entre les intérêts des grandes entreprises et du gouvernement.

Ce mouvement a mis en évidence le mécontentement à l’égard d’un système économique perçu comme étant biaisé en faveur de l’élite financière, exacerbé par la crise financière de 2008 et les sauvetages controversés des banques.

Ces événements mettent en lumière les conséquences potentiellement déstabilisatrices des politiques néolibérales. Ils montrent comment, en exacerbant les inégalités et en négligeant les besoins des couches les plus vulnérables de la société, ces politiques peuvent alimenter un sentiment d’injustice et de mécontentement.

Ce mécontentement, à son tour, peut se transformer en un terreau fertile pour le populisme, où des leaders politiques utilisent des discours démagogiques pour gagner le soutien en promettant des solutions simples à des problèmes complexes. Cette dynamique pose un risque réel pour les démocraties, car elle peut mener à un affaiblissement des institutions démocratiques et à une polarisation accrue de la société.

L’héritage de Hayek et Friedman, à travers l’école de Chicago, a façonné de manière significative les politiques économiques mondiales. Leur influence, expérimentée dans les dictatures sud-américaines et adoptée par la suite en Occident, met en lumière le pouvoir et les périls des théories économiques. Cette histoire souligne l’importance d’une application réfléchie et contextuelle des principes économiques, prenant en compte les impératifs sociaux et les réalités politiques.