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Parquet Courts – « Stoned and Starving »

L’errance comme manifeste

En 2012, Parquet Courts déboule avec Light Up Gold, un album à la nervosité aussi sèche que les trottoirs de Brooklyn en plein été. Parmi ses brûlots garage et ses saillies post-punk, un morceau se détache : « Stoned and Starving ». Un mantra hypnotique, une dérive électrique, un tableau urbain esquissé avec une acuité minimaliste.

Le titre n’a rien d’un caprice stoner. Il est littéralement une chronique du banal : Andrew Savage, chanteur-guitariste du groupe, y raconte une errance à Ridgewood, Queens, l’estomac creux et l’esprit embué. Mais sous cette simplicité apparente, c’est toute l’essence du rock répétitif et obsessionnel qui se déploie.

Un krautrock en jean déchiré

Dès les premières notes, la guitare de Savage tisse un riff nerveux, presque nonchalant, une ligne claire qui tourne en boucle comme un train qui s’égare. Sean Yeaton (basse) et Max Savage (batterie) installent un groove en suspension, quelque part entre The Feelies et Neu!, tandis qu’Austin Brown vient épaissir la texture avec des éclats de guitare vrillés, comme des enseignes au néon qui clignotent.

La répétition est la clé : « Stoned and starving » n’évolue pas vraiment, il s’étire, se répète, se renforce. À mesure que le morceau avance, la tension monte, mais sans jamais exploser. L’effet est hypnotique, presque cinématographique – on suit la balade de Savage en plan-séquence, une caméra embarquée qui saisit les détails absurdes d’une rue anonyme :

« I was debating Swedish Fish / Roasted peanuts or licorice / I was so stoned and starving ».

Tout est là : une scène banale, transcendée par une guitare qui gronde, une batterie qui cogne avec précision et cette urgence latente, ce sentiment d’être à la fois perdu et en mouvement constant.

Un héritage bien digéré

« Stoned and Starving » n’aurait pas dépareillé sur un album du Velvet Underground. Il reprend le flambeau du rock new-yorkais dans sa version la plus nerveuse et dépouillée, celle de Television et des Modern Lovers. Mais là où ces prédécesseurs se plaisaient à distordre la réalité par la poésie ou l’expérimentation, Parquet Courts joue la carte du réalisme cru, du prosaïsme sublime.

C’est ce qui rend le morceau si addictif. Il n’a pas de climax, pas de véritable progression, juste un enfoncement progressif dans cette routine urbaine, où la guitare finit par se perdre dans un long duel fiévreux entre Savage et Brown. Un combat sans vainqueur, qui se dissout comme la fumée d’un joint dans le ciel de New York.

Un hymne à l’errance

Avec « Stoned and Starving », Parquet Courts a signé l’un de ses morceaux emblématiques, un instantané d’Amérique urbaine où l’ennui et la défonce s’entrelacent pour devenir une expérience quasi transcendante. C’est un hymne à la dérive, à l’obsession du détail, une célébration du mouvement pour lui-même.

Un morceau qui ne s’arrête jamais vraiment – il continue de résonner bien après la dernière note, comme une ville qui ne dort jamais.